samedi 12 novembre 2011

Un de nos « as » s’évade d’Allemagne.


Le Caudron G 4 de Ciccoli et d'Angot écrasé au sol derrière les ligne ennemies
-Collection famille Ciccoli-


« -Septembre 1918- Une dépêche de Rotterdam nous apprend l'évasion
de M. Eugène Angot, sous-lieutenant aviateur, fils de M. Angot, qui
habite rue Saint-Martin, à Condé. »
Eugène Angot est né le 12 septembre 1888 rue Saint-Martin à Condé. Fils de Louis Angot, boulanger, et de Héloïse Halbout, il est mobilisé dès la début de la guerre et s'engage dans l'aviation où il acquière vite la réputation d'être un excellent observateur.
Eugène Angot fait preuve de courage et, rapidement son audace et son sang-froid lui valent des galons d'officier. Teddy, c'est le surnom qui lui sera donné, est titulaire, à la fin de la guerre de cinq citations à l'ordre de l'armée et nommé, à la suite d'un splendide exploit, chevalier de la Légion d'Honneur.
Il est affecté à l'escadrille 11, créée le 10 juin 1913 sur le terrain de la Brayette, près de Douai, commandée par le lieutenant Jacques Pégat et équipée d'avions Caudron G 2, puis G 4. Angot rejoint l'unité à Montmédy, dans la Meuse où elle est mise à disposition du 2ème Corps d'armée. Angot effectue des missions de réglages d'artillerie et de liaisons avec T.S.F pour renseigner le commandement sur les avancées allemandes. Angot effectue de nombreuse mission avec le Capitaine Joseph Vuillemin, pionnier de l'aviation de bombardement et futur chef d'état-major de l'Armée de l'Air en 1939-40.
La première citation lui est donné suite à son exploit du 28 novembre 1915 alors qu'il est observateur à l'escadrille C 11. Une panne de moteur à l'intérieur des lignes allemandes, l'oblige à survoler les ligne ennemies. Avec sang-froid, son avion est criblé de balles, il profite de sa faible altitude au passage des tranchées allemandes pour rapporter des renseignements très précis.
Trois mois plus tard, le 24 février 1916, toujours à l'intérieur des lignes ennemies, le pilote Marcel Coache et lui livrent un combat à deux appareils allemands, forçant l'un d'eux à atterrir brusquement et l'autre à abandonner le combat (victoire non homologué mais qui lui vaut sa deuxième citation). Le 21 mars 1916, un éclat d'obus endommage gravement un moteur de son avion. Il termine néanmoins sa reconnaissance alors que le pilote ramène l'appareil dans les lignes française.
Mais la chance le quitte au mois de juillet 1916 comme le souligne sa cinquième citation :
« Eugène Angot, lieutenant observateur excellent officier qui a rendu les plus grands services par ses reconnaissances hardies et ses réglages de tir. Le 3 juillet 1916, au cours d'une reconnaissance, a été attaqué par plusieurs avions ennemis et a disparu à la suite d'un combat.»

C'est à bord d'un Caudron G4 que le pilote François Ciccoli et Eugène Angot, observateur, sont abattus lors de leur mission de reconnaissance :
«J'ai été fait prisonnier à l'offensive de la Somme, le 3 juillet 1916. J'ai eu à lutter, ce soir-là, contre trois avions allemands.
Je me suis débarrassé de l'un d'entre eux; j'ai été blessé par les autres, mon pilote aussi et nous nous sommes évanouis.
L'appareil est resté de la hauteur de 2.200 mètres à 200 sans direction aucune.
Comment nous avons pu nous sauver ? C'est ce que j'ignore encore. Je sais seulement qu'à 200 mètres du sol mon pilote a repris ses sens, et moi, en touchant terre, mais dans les lignes ennemies.»
Le lieutenant Angot est interné à Galgenberg, camp situé à la périphérie de Würzburg, sur le Mainz. Il y a, à cette date, environ 1.500 prisonniers. Il est soigné à l'hôpital de la ville avant de rejoindre l'infirmerie du camp.
Angot ne peut supporter, ni la captivité, ni l'inaction. Dès lors, il n'eut plus qu'un but s'évader. Quatre fois il tente vainement de se sauver. A l'une de ces tentatives, après avoir veillé trente-six nuits pour tromper la surveillance des sentinelles, il traverse deux cent quatre-vingt quinze kilomètres de territoire ennemi à pied. Malheureusement, il est repris à quelque kilomètres de la frontière.
La cinquième tentative sera la bonne :
« -C'est dans la nuit du 7 au 8 septembre que j'ai mis le pied sur le territoire hollandais.
Libre ! Quel bonheur !
Ma joie s'est doublée du fait qu'à l'instant même de ma libération je me suis rencontré avec un autre évadé, le sous-lieutenant aviateur Contini.
Notre émotion heureuse à tous deux, vous l'imaginez !
Me voici enfin à Paris, prêt à recommencer à me battre, ajoute l'intrépide officier avec une flamme dans le regard.
-Un mot encore, mon lieutenant. Votre impression sur l'Allemagne ?
Le moral du soldat y est bien bas ; nos victoires produisent leur effet. »
« Cette fois, le sort l'a favorisé ; le voilà sauvé du joug prussien, et dans quelques jours, il sera auprès des siens. Bravo au glorieux évadé, et félicitations à sa digne famille » écrit fièrement « le Journal de Condé ».
Eugène Angot, qui devint ingénieur des arts et manufactures, est décédé le 29 novembre 1978 à Paris à l'âge de 90 ans.

Sources : Le Journal de Condé du 15 septembre 1918 ; Ouest-Eclair du 15 septembre 1918 ; Le Petit Parisien du 1er octobre 1918, article et interview de René Granchamp ; Archives de l'aéronautique Militaire de la première guerre mondiale, Fonds du lieutenant Eugène Angot « Teddy ». Lieutenant observateur à l’escadrille C 11, mitrailleur de Joseph Vuillemin. Z 37214/2 Papiers de carrière : ordres généraux des citations du lieutenant E. Angot (1915-1918).